Voyage au cœur des projets, épisode 3

Lundi 28 septembre 2020 - 10:18
Voyage au cœur des projets, épisode 3 : Les Centrales Villageoises du Pays du Saintois
Alors qu’elles entrent dans la dernière ligne droite de leur premier projet photovoltaïque, les Centrales Villageoises du Pays du Saintois prennent le temps de revenir sur leur histoire.
Loïc Vautrin et Gérard Fleury nous expliquent l’émergence du collectif, son organisation autour de son association et de sa SCIC, son premier grand projet et ses perspectives d’avenir.

Racontez-nous la genèse de votre projet

Loïc Vautrin : A l’origine, c’est le village d’Ognéville, dans le Saintois, qui menait une démarche pour devenir autonome en alimentation et en énergie. Sur le volet alimentation ils avaient déjà un jardin partagé en permaculture. Côté énergie ils voulaient monter un projet photovoltaïque mais renseignements pris, il leur était difficile de partir tous seuls. Ils ont alors entendu parler du modèle des Centrales Villageoises. Le Pays Terre de Lorraine*, mène une démarche TEPOS (Territoire à Energie Positive) depuis 2015, dont une des actions était la création de ce type de société citoyenne. C’est donc dans ce contexte là que 4 réunions publiques d’information menée par Thomas Bailly de Terre de Lorraine et Sylvain Balland, chargé de développement à la Communauté de Communes du Pays du Saintois, ont été organisées en décembre 2017.

Gérard Fleury : Le modèle des Centrales Villageoises a été présenté dès le départ, lors des premières réunions, et il correspondait très bien à notre territoire rural. Nous avions besoin de commencer depuis quelque chose de concret, et c’était bien de pouvoir bénéficier de l’expérience du réseau. La gouvernance coopérative « 1 personne = 1 voix » nous a également bien plu. Nous avons donc adopté ce modèle d’emblée.

LV : Une demi-douzaine de réunions publiques ont été organisées sur l’ensemble de la communauté de commune du Pays du Saintois pour présenter le modèle des Centrales Villageoises, de sa charte, et des avantages qu’il y avait à s’adosser à une expérience. C’est comme cela que les premiers bénévoles ont été recrutés.
Nous étions au début entre 30 et 40 bénévoles, sans cadre juridique mais tout de même organisés en 3 groupes de travail comme préconisé par le modèle Centrales Villageoises : juridique, technique et communication.

*Association de 4 communautés de communes, dont celle du Pays du Saintois.

 

On comprend donc que la collectivité locale a été très motrice dans l’émergence du collectif. Quel rôle a-t-elle joué par la suite ?

GF : Ce qui a été très important au départ, c’est la présence d’un animateur, Sylvain Balland, dont c’est le métier. Cela a permis au collectif de s’organiser, car au début on était de nombreux bénévoles et cela partait un peu dans tous les sens…
On a aussi pu compter sur Patrick Graeffly, vice-président de la Communauté de Communes très impliqué dans l’initiation du projet, qui nous a permis de bien nous organiser dès le début.

LV : On a effectivement eu un très fort soutien des collectivités, et c’est grâce à cela que nous avons réussi à émerger. Financièrement, la communauté de communes nous a aidé en donnant une subvention de 10 000€ à l’association pour les études. Le reste des études a été payé par le dispositif Climaxion de la Région et les fonds Leader. Les études ont donc été subventionnées à 100%, et sans cela on n’aurait pas pu démarrer.

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Une fois le collectif mis sur des rails, comment l’avez-vous structuré ?

LV : En juillet 2018 nous avons créé une association pour structurer tout cela et engager les études sur le projet photovoltaïque. Celles-ci ont débuté en début d’année 2019, et se sont achevées en fin d’année dernière.
C’est l’association qui a porté tout le travail relatif aux études : cahier des charges, choix du bureau d’études, suivi… On ne se rend pas compte, mais c’est du boulot !
La SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) a été créée le 14 janvier 2020 pour porter le projet photovoltaïque. Le choix de ce type de société s’est fait à l’unanimité, car la motivation du collectif est de réinvestir l’argent dans d’autres projets, pour accélérer la transition énergétique dans le Saintois. Dans cette logique, le choix de la SCIC est un choix fort du collectif.
On veut montrer que même dans le Saintois, où il n’y a pas beaucoup de monde – c’est un territoire rural – on est capable de faire des choses pour la transition énergétique !
En résumé, ça a pris son temps, mais on est sur des bases qu’on espère assez saines !

GF : La difficulté, c’est qu’on a perdu du monde à chaque étape : on était entre 30 et 40 personnes au départ, à la création de l’association on était 15 à 20 personnes. Aujourd’hui pour porter le projet photovoltaïque de la SCIC on est 5 ou 6 à être très actifs. Du coup, on ne travaille aujourd’hui que sur le projet PV, qui nous prend toute notre attention et toute notre énergie.

LV : Il est effectivement temps qu’on arrive à avoir du concret sur cette 1ère tranche car on arrive au bout du temps de travail que chacun a envie d’y consacrer… Il faut qu’on passe un cap, mais on est en train de le passer !

 

Venons-en à ce premier projet photovoltaïque ! Où en êtes-vous dans la démarche ?

GF : Le projet porte sur 12 toitures : 3 bâtiments publics, un bâtiment industriel et 8 maisons particulières, pour un total de 177 kWc.

LV : On est dans la dernière ligne droite ! Nous sommes en train de choisir les installateurs, nous n’avons n’a pas encore arrêté notre choix.
Notre dernière incertitude sera la décision de la commission Climaxion au mois de janvier 2021 pour l’attribution d’une subvention à l’investissement. Sans cette subvention, nous ne pourrons pas lancer notre projet.

GF : J’ajouterais que nous n’avons pas encore consulté les banques pour le financement du projet, je pense que ça va aussi prendre du temps et de l’énergie.


Quelles difficultés avez-vous rencontré pour mener à bien ce projet ?

GT : D’un point de vue technique, le modèle des Centrales Villageoises est bien ficelé. Je suis persuadé que ça nous a fait gagner énormément de temps. Et c’était nécessaire, car malgré cet accélérateur on aura quand même mis 4 ans pour installer les premiers panneaux. Or on sait qu’on a plus beaucoup de temps pour agir face à l’urgence climatique… Maintenant il faut aller à l’essentiel et agir !

J’ai en revanche plus d’incertitudes sur la notion de rentabilité. Notre territoire est très rural, a peu d’industrie ni de centres commerciaux, de gymnases… et donc peu de grandes toitures à équiper. Nous allons donc équiper 9 « petites toitures » de 9kWc et 3 toitures de 36 kWc, ce qui n’est pas optimal en termes de temps de retour sur investissement, même si nous avons l’espoir d’obtenir une subvention.
Pourtant j’aimerais néanmoins faire baisser les temps de retour sur investissement pour pouvoir réinvestir plus vite dans de nouveaux projets Pour y arriver, il faut donc que des bénévoles « mettent la main à la pâte », qu’on arrive à faire des choses nous-mêmes.
On le fait déjà beaucoup, mais je pense qu’on pourrait aller plus loin à l’avenir. Je pense par exemple à la création d’un groupe « travaux » qui pourrait contribuer à l’installation en se chargeant par exemple de tâches pour lesquelles l’installateur n’a au final que très peu de valeur ajoutée.

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Qu’en est-il de la participation citoyenne pour financer ce premier projet ?

LV : Nous avons lancé une phase de capitalisation de la SCIC qui doit s’achever à la fin du mois de septembre. Nous avons réussi à lever environ 60 000€. Notre objectif était un peu supérieur, de 80 000€ à 100 000€, mais les fonds levés seront suffisants pour réussir à financer notre 1ère tranche de projet si nous obtenons la subvention Climaxion.

GF : Cela représente environ 70 actionnaires, principalement des particuliers et quelques communes. Le démarrage de la phase de capitalisation ayant coïncidé avec le confinement, cela n’a pas facilité les choses.

Revenons sur l’organisation de votre collectif : vous avez choisi de garder votre association de préfiguration en plus de la SCIC : quelle est l’articulation entre les deux structures ?

GF : On ressent le besoin de conserver l’association pour envisager plein d’autres choses, d’autres types de projets… Et pour commencer, pour mener des actions de communication, de sensibilisation auprès des habitants et des collectivités locales. Je suis persuadé que l’association a encore un rôle à jouer, même si en ce moment, nous sommes complétement investis dans le projet PV et donc qu’on n’a pas vraiment pas de temps à consacrer à la vie de l’association !

LV : Une fois le projet PV terminé, il faudra que l’on prenne du temps pour réfléchir à ce qu’on veut faire après, savoir quel rôle on donne à l’association. Et il faudra recruter également, réimpliquer plus de monde par différents moyens, toucher plus large.

 

Avez-vous déjà quelques idées derrières la tête pour des futurs projets à mener, via l’association ou via la SCIC ?

LV : On aura besoin d’impliquer plus de monde dans le collectif, et je pense que c’est en lançant des nouveaux projets qu’on arrivera à recruter, à attirer des nouvelles personnes. Et les Centrales Villageoises, ce n’est pas que le photovoltaïque ! Ça peut être des opérations d’économies d’énergie, des campagnes pour remplacer des chaudières fioul par des pompes à chaleur… Il y a des modèles à réinventer !
Je pense également aux appels à projets pour la sensibilisation aux économies d’énergie, notamment auprès des écoliers. Il y a des dispositifs qui existent dans lesquels l’association pourrait s’inscrire.

GF : Oui, il y a plein d’autres projets possibles !
Côté photovoltaïque, nous avons acquis une expérience et une compétence, que nous pourrons par exemple valoriser en conseillant les habitants de la Communauté de communes dans leur projet privé d’installations photovoltaïques.
Côté sensibilisation, trois étudiants de Polytech, une école d’ingénieurs de Nancy ont accepté de travailler pour leur PFE (Projet de Fin d’Etudes) sur un sujet que nous leur avons proposé, à savoir la conception d’un manège solaire pour enfants, c’est-à-dire un petit manège manuel équipé d’une assistance photovoltaïque. Si c’est réalisable, l’idée à terme serait de fabriquer ce manège et de l’utiliser pour la plus grande joie des enfants lors des fêtes de villages ou des brocantes. Aujourd’hui, difficile de dire si c’est faisable, mais le rôle de l’association est aussi d’accueillir ce genre d’idées, d’aider à les concrétiser.
Ce genre de projet permet aussi de dynamiser le collectif. Par exemple, lors de la future AG les étudiants vont venir présenter leur projet et cela nous donnera une bonne occasion de parler d’autre chose que du bilan comptable !

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Propos recueillis par Etienne Jouin

Crédits photos : Centrales Villageoises du Pays du Saintois

Source
Association des Centrales Villageoises