Voyage au cœur des projets, épisode 21

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Voyage au cœur des projets : Épisode 19 — Une Centrales Villageoises née d’une entreprise… L’histoire des CV Durance Luberon
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, une aventure inédite a vu le jour en 2022 : celle des CV Durance Luberon, première Centrales Villageoises à émerger non pas d’un collectif citoyen ou d’une collectivité… mais à l’initiative d’une entreprise. À la croisée des chemins entre engagement citoyen et dynamique entrepreneuriale, cette initiative hybride ouvre une voie originale pour mobiliser entreprises, collectivités et habitant·es autour de la transition énergétique locale. Rencontre avec Laure, vice-présidente, et Éric, président de la Centrales Villageoises Durance Luberon.
Une idée née... autour d’un déjeuner

Tout commence à l’automne 2022, lors des Rencontres pour la Planète organisées par le mouvement 1% for the Planet – un événement de philanthropie où des entreprises soutiennent des projets à impact. Laure y participe en tant que dirigeante de Terre d’Oc, entreprise engagée et membre du mouvement, mais aussi comme vice-présidente de 1% for the Planet France. Elle y rencontre Etienne, salarié de l’Association, venu présenter le modèle des Centrales Villageoises.

« Son pitch m’a tout de suite interpellée. Je suis moi-même actionnaire citoyenne de la Centrales Villageoises du Pays d’Aigues depuis plus de 15 ans. Je me suis dit : pourquoi ne pas installer une centrale photovoltaïque sur le toit de notre entreprise ? »
— Laure

L’idée germe. Laure contacte la Centrales Villageoises du Pays d’Aigues, mais découvre rapidement que son territoire d’intervention ne couvre pas celui de Terre d’Oc. L’idée de créer une nouvelle Centrales Villageoises (CV) commence alors à faire son chemin. Sur leurs conseils, Laure présente le projet à des associations locales. Elle y rencontre Eric, qui deviendra le président de la future CV. 

Le groupe fondateur s’élargit rapidement : propriétaires du bâtiment, salarié·es et habitant·es de Terre d’Oc, un architecte voisin… jusqu’à l’arrivée d’un acteur clé : Daniel Margaux, président de la CCI des Alpes-de-Haute-Provence.

« Il y a vu un intérêt évident, car cela entrait parfaitement dans le plan de décarbonation que la CCI souhaitait porter sur le territoire [La mission énergétique est portée par la CCI dans le département]. Et à titre personnel, cela l’a aussi touché : il possède une entreprise voisine de Terre d’Oc qu’il a tout de suite imaginé intégrer au projet. » - Laure

Un accueil enthousiaste sur le territoire

Des réunions publiques sont organisées : d’abord chez Terre d’Oc, puis à la Villeneuve, à la Savonnerie de Haute-Provence et auprès d’entrepreneurs locaux. Le succès est au rendez-vous : 20 à 80 personnes à chaque rencontre, un intérêt manifeste, une vraie curiosité pour ce projet local.

« L’accueil des collectivités et personnes a été formidable. » — Laure

Les communes de Villeneuve, Volx et La Brillanne manifestent leur soutien. Certaines proposent déjà plusieurs toitures. Et si le démarrage citoyen reste timide en capital, les habitant·es montrent de l’intérêt, notamment autour de l’autoconsommation collective. 

Le groupe fondateur de 10 membres a déjà été rejoint par 6 personnes physiques ainsi que 7 personnes morales.

Présentation du projet

Deux premiers projets sur les rails

Flyer levée de fonds

Deux premières installations sont prêtes à voir le jour. L’une sur Terre d’Oc (99 kWc), l’autre sur le bâtiment de l’architecte voisin (40 kWc). Les montages juridiques et financiers sont finalisés, un installateur a été trouvé, et la levée de capital a même dépassé les objectifs.

Pour l’installation sur Terre d’Oc, la production sera partiellement autoconsommée (environ 40 %), le reste étant partagé en autoconsommation collective (60 %).

Des entreprises au rendez-vous…

Une des grandes réussites des CV Durance Luberon, c’est le fort engagement des entreprises locales.

« Ça vient certainement du fait qu’on est nous-mêmes issus de ce monde-là. Et puis avoir le président de la CCI avec nous, ça ouvre des portes, c’est certain », souligne Eric.

Pour Laure, les CCI représentent un levier stratégique. Elles permettent de relayer directement l’information auprès des entreprises. C’est donc un terrain d’action à investir pour les Centrales Villageoises. D’ailleurs, l’Association a déjà amorcé ce travail en organisant des rencontres avec les chargé·es de mission des CCI pour leur présenter le modèle.

Mais au-delà de la mise en relation, il est crucial de construire un argumentaire solide pour les convaincre. L’exemple de Terre d’Oc est parlant :

  •  Le projet est cohérent avec sa mission d’entreprise à impact,
  • L’investissement vient d’un tiers,
  • L’entreprise bénéficie de l’autoconsommation,
  • Les salarié·es, habitant·es du territoire, peuvent aussi en bénéficier,
  • Et enfin, l’image positive de l’entreprise auprès du territoire est renforcée.

Aujourd’hui, la CV partage son expérience lors de réunions inter-CCI, pour essaimer le modèle ailleurs.

…. Et des collectivités à l’écoute

Côté collectivités aussi, l’intérêt est bien réel et la collaboration active. Les communes « jouent le jeu » : le projet est présenté en conseil municipal, relayé dans les bulletins locaux, soutenu publiquement, et plusieurs toitures publiques sont proposées.

« On a une approche entrepreneuriale. Pour moi, ce n’est pas un gros mot. Notre objectif, c’est d’avoir un coût de revient qui permette aux citoyens en autoconsommation collective de bénéficier d’un tarif attractif. Si on peut leur garantir un prix stable et intéressant sur 10 à 15 ans, on embarque du monde. Et c’est pareil avec les communes. » — Éric

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Par ailleurs, les hausses très importantes des tarifs de l’énergie en 2020-2021 ont marqué les élu·es. Beaucoup n’ont pas envie de revivre cette situation, et sont donc attentifs à des solutions locales, fiables et maîtrisées sur le long terme.

« L’argument économique est important. Mais ce qui compte aussi, c’est notre manière de présenter le projet : on arrive avec quelque chose qui fonctionne, clé en main. Et surtout, les communes ont des objectifs de décarbonation à atteindre. Quand on leur dit qu’une structure locale peut porter le projet pour elles, elles y voient un vrai avantage. » — Laure

Et maintenant ?

Avec deux projets sur le point de voir le jour, une levée de fonds réussie, les Centrales Villageoises Durance Luberon se penchent déjà sur les projets de demain. 

À l’horizon : un partenariat prometteur avec la commune de Villeneuve, où plusieurs toitures publiques pourraient bientôt accueillir des installations photovoltaïques en autoconsommation collective, ainsi qu’un projet de centrale au sol. D’autres pistes se dessinent du côté de Volx, avec des projets envisagés avec un EHPAD et une entreprise locale. Autant dire que les idées ne manquent pas !

Mais au-delà de l’objectif de production, une ambition plus profonde anime l’équipe : accompagner un vrai changement de comportement, en incitant les consommateurs à consommer l’énergie… quand elle est produite.